IA et création d’images : opt-in, opt-out… et comment protéger votre patrimoine visuel ?

L’intelligence artificielle générative est en train de transformer radicalement le monde de l’image. Pour vous, photographes professionnels ou collectionneurs d’œuvres rares, elle soulève une question cruciale : qui décide si vos œuvres, archives familiales ou collections privées peuvent être utilisées pour entraîner une IA ?

Deux modèles s’affrontent dans le monde juridique : l’opt-in (l’IA a besoin de votre accord explicite) et l’opt-out (vous devez exprimer votre refus pour être protégé).

Opt-in ou opt-out : la différence entre contrôle et perte de valeur

Pour le domaine de la photographie et de l’art visuel, ce choix est fondamental :

  • Système Opt-in (Par défaut protégé) : C’est la protection maximale. Aucune de vos images, quel que soit leur âge ou leur rareté, ne peut être exploitée sans votre autorisation préalable. Vous gardez le contrôle total de la valeur de votre travail.
  • Système Opt-out (Par défaut permis) : Tout est permis par défaut. Vos clichés pourraient être ingérés pour entraîner un modèle d’IA, sauf si vous vous y opposez activement. Cela signifie que la charge de la protection vous revient, et si une œuvre est oubliée, elle peut être utilisée.

Derrière cette distinction se joue l’enjeu de préserver la singularité, la valeur marchande et la maîtrise de vos images d’archives et collections.

La réglementation internationale avance, le Canada réfléchit

En Europe, la directive sur le droit d’auteur (CDSM) a posé un cadre clair : elle introduit la possibilité pour les créateurs de réserver leurs droits. Concrètement, vous pouvez signaler que vos collections et contenus ne doivent pas être soumis à la fouille de textes et de données (Text and Data Mining – TDM) par les IA à des fins commerciales.

Au Canada, c’est encore flou.

Le gouvernement a lancé une consultation publique en octobre 2023 pour évaluer l’impact de l’IA sur le droit d’auteur et déterminer si l’approche devrait être l’opt-in ou l’opt-out. Pour l’instant, aucune loi spécifique n’a été adoptée sur cette question.

Notez que le projet de loi C-27 (Loi sur l’intelligence artificielle et les données – LIAD) est actif et progresse, mais il ne règle pas la question précise du droit d’auteur sur l’entraînement des IA.

Le constat au Canada est celui d’une zone grise :

  • La loi protège vos créations via le droit d’auteur et l’usage équitable (fair dealing), mais ce régime n’a pas été conçu pour l’entraînement massif d’IA.
  • Vos images risquent d’être absorbées, diluant leur singularité et leur valeur patrimoniale.

Votre rôle proactif : protéger vos fichiers dès maintenant

Puisque la législation est lente, des standards techniques existent déjà pour vous aider à protéger vos actifs visuels :

  1. Content Credentials : C’est une « carte d’identité numérique » intégrée à vos fichiers (photos, numérisations), qui documente leur origine, leur historique de modification et les droits qui y sont attachés. C’est un outil essentiel pour prouver la provenance.
  2. TDM·AI : Un protocole émergent qui permet d’ajouter un signal automatique à votre contenu (via le code ou les métadonnées) indiquant qu’il ne doit pas être utilisé par les robots d’entraînement d’IA.
  3. Métadonnées et conditions d’utilisation : Assurez-vous que les métadonnées IPTC/EXIF de toutes vos images (en particulier les collections numérisées) sont à jour. Indiquez clairement vos conditions d’utilisation sur vos plateformes et vos sites d’archives.

Restez vigilants pour le futur de votre collection

Le futur se dessine entre l’innovation technologique et la protection de vos droits de propriété. L’Europe a pris une longueur d’avance, mais au Canada, les créateurs et collectionneurs doivent rester vigilants et proactifs.

La question n’est pas seulement juridique : c’est une bataille culturelle sur le droit de décider de l’usage de votre patrimoine visuel à l’ère de l’IA.

Si l’État ne tranche pas clairement, comment allez-vous vous assurer que vos précieuses collections et votre travail photographique ne soient pas anonymement intégrés à une banque d’entraînement mondiale ?